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BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL
Selon l’article 5.- § 1 de la Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, l’employeur prend les mesures nécessaires afin de promouvoir le bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail. Dans ce but, l’employeur doit éviter les risques et les combattre à la source. Hors, en appliquant le Lean management de manière abusive, le travailleur peut rapidement souffrir de risques psycho-sociaux et musculo-squelettiques.
Par définition, les risques psychosociaux au travail sont « la probabilité qu’un ou plusieurs travailleur(s) subisse(nt) un dommage psychique qui peut également s’accompagner d’un dommage physique suite à l’exposition à des composantes de l’organisation du travail, du contenu du travail, des conditions de travail, des conditions de vie au travail et des relations interpersonnelles au travail, sur lesquels l’employeur a un impact et qui comportent objectivement un danger. »
Les troubles musculo-squelettiques, eux, « rassemblent les affections aux structures musculo-squelettiques de notre corps (muscles, articulations, tendons, ligaments et nerfs). Ils peuvent toucher les membres supérieurs et inférieurs mais aussi le dos et la nuque. Ils résultent d'une combinaison de facteurs biomécaniques, environnementaux, psychosociaux, organisationnels et personnels. »
Selon les enquêtes d’un chercheur au centre d’étude de l’emploi, Antoine Valeyre, le Lean Management serait même plus nocif que le taylorisme. Cela se doit à l’implication des travailleurs dans le changement. Les travailleurs subissent un mal-être psychologique car ils pensent ne pas pouvoir remettre en question un système qu’ils ont eux-mêmes contribué à mettre sur pieds.
Les conditions de travail peuvent être mises à mal si le changement n’est pas correctement établi ; si les transformations sont instaurées d’une façon directive, brutale et sans concertation. Selon Lewchuk et Robertson (1996), les salariés travaillant dans des entreprises qui se sont vu appliquer une transformation Lean ont subi une augmentation de stress et de fatigue au cours des deux années suivant la réorganisation.
Concernant les risques psycho-sociaux, une intensification du rythme de travail et de la pression induit également une charge mentale plus lourde à supporter. Parmi la charge psychologique, on peut aussi compter l’isolement du travailleur car lors de la suppression de tout gaspillage dans le but d’excellence opérationnelle, les moments d’échanges entre collaborateurs sont fortement réduits. L’optimisation du temps de travail supprime tous les temps de « flottement » qui permet de souffler un peu.
Certains peuvent se sentir dévalorisés suite à la fragmentation du travail ; les compétences des travailleurs sont moins mises en avant, deviennent même insignifiantes.
Ce changement mal mis en œuvre, peut provoquer beaucoup de stress chez le travailleur et cela peut facilement avoir de lourdes conséquences. Je rappelle que le stress est « une réponse physiologique de l’organisme suite à une situation épuisante, dangereuse ou angoissante. »
Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, elle peut survenir « lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Même si le stress n’est pas notifié comme étant une pathologie, il peut causer de graves conséquences sur la santé du travailleur.
On pourra observer trois types de symptômes :
Symptômes émotionnels : les nerfs et les émotions sont à vif, les sentiments sont exacerbés. On se sent mal, on a des angoisses, des crises de larmes, on est en colère et démotivé.
Symptômes intellectuels : manque de concentration, difficulté à prendre des décisions et initiatives. État propice aux erreurs, des oublis.
Symptômes physiques : le mal-être se répercute sur le corps. On fait face à des douleurs diverses, des troubles alimentaires, des troubles du sommeil. On a le sentiment d’être oppressé, essoufflé.
Ces trois types de symptômes ont une influence sur le comportement. Certains ont recours à des médicaments comme des antidépresseurs, calmants ou somnifères. D’autres utilisent des excitants comme le café, le tabac, l’alcool… Ces substances peuvent devenir nocives à la santé de l’individu en fonction de la quantité consommée.
Une situation de stress prolongée peut provoquer de graves problèmes de santé. On y retrouve les maladies cardiovasculaires qui sont favorisées par un haut niveau d’exigence de productivité et une faible marge de manœuvre mais aussi des syndromes métaboliques comme l’hypertension artérielle, l’obésité ou une résistance à l’insuline. On peut également observer des dépressions et de l’anxiété qui, dans le pire des cas, aboutissent à des suicides. Enfin, des troubles musculo-squelettiques peuvent être causés par la combinaison du stress, du manque de soutien social et autres pressions psychologiques avec des positions inconfortables, des mouvements répétitifs et efforts physiques.
Pour les risques musculo-squelettiques (TMS), il s’agit d’une réelle possibilité de problème à la suite de l’introduction du Lean management dans une société.
Dans une entreprise de maintenance ferroviaire, une étude de cas concernant les TMS montre qu’à la suite du changement, on passe de deux cas dans une unité à huit cas l’année suivante. Cette augmentation est due à différents facteurs : une intensification du rythme de travail, des gestes répétitifs, le stress et le peu de marge de manœuvre. Les articulations peuvent s’enflammer en à peine six mois à force de mouvements fréquents et répétitifs. L’intensification du rythme de travail oblige une grande concentration, ce qui induit à une hyper-contraction musculaire et donc une accentuation des risques de douleurs ostéo-articulaires (Boisard et alii, 2002).
Le stress, lui, entraîne des contractions musculaires et sécrète des substances qui contribueraient au gonflement des tissus et à l’inflammation des tendons. Enfin, le peu de marge de manœuvre bloque le travailleur dans sa recherche de solutions pour se protéger de ces risques. Un par un, ces facteurs provoquent ces troubles musculo-squelettiques, mais réunis, ils les aggravent.
Ces troubles touchent tous les secteurs d’activité ; on les observera aussi bien sur des ouvriers travaillant à l’usine que sur des employés de bureaux.
Selon des chiffres français, les parties du corps les plus touchées par les TMS sont les mains/ poignets/ doigts, suivis des épaules et des coudes.
Si le passage au Lean Management entraîne une altération de la santé physique ou mentale du travailleur, il pourra faire reconnaître son problème de santé auprès de Fedris comme étant d’origine professionnelle seulement s’il a la preuve d’une corrélation entre les deux. Par définition, « la maladie professionnelle est la conséquence de l’exposition plus ou moins prolongée à un risque qui existe lors de l’exercice habituel de la profession ».
Bien que les troubles musculo-squelettiques ont touchés énormément de salariés en Europe, ils n’ont pas toujours été reconnus comme étant une maladie professionnelle. Après plusieurs discussions, les TMS ne sont pas rentrés au sens propre dans la liste des maladies professionnelles mais on gagne du terrain en 2012 car on y voit apparaître les « maladies atteignant les tendons, les gaines tendineuses et les insertions musculaires et tendineuses des membres supérieurs dues à une hyper sollicitation de ces structures par des mouvements nécessitant de la force et présentant un caractère répétitif, ou par des postures défavorables », ce qui indirectement inclut les TMS dans cette liste.
Ce qui sera plus compliqué, ce sera d’inclure dans la liste les altérations dues aux problèmes psychosociaux. Ce n’est pourtant pas négligeable car c’est un problème à prendre très au sérieux. Dus à cette charge mentale, des accidents de travail peuvent se produire, mais également des accidents cardiaques, des dépressions voire des suicides.
Tout cela peut être causé par différentes sources de facteurs tels que la fatigue, le manque de concentration, la pression du temps et le stress. Le Service Public Fédéral de l’Emploi, Travail et Concertation sociale (SPF ETCS) a d’ailleurs réalisé une enquête en 2010 dont les résultats prouvent la corrélation entre la charge psychosociale sur le lieu de travail et les accidents de travail en Belgique.